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Réflexions citoyenne sur notre Société, ses contradictions, ses déviances,recherche de pouvoirs. Liberté-Egalité-Fraternité-Laïcité, l'Amour, l'Ecologie... Lutte contre l'obscurantisme

MINEURS DE FONDS : LES SEIGNEURS OUBLIES

Mineur.jpg

 

J’ai suivi, comme la plupart d’entre vous, le sauvetage spectaculaire des mineurs Chiliens, qui furent tous remontés à la surface le 14 octobre dernier, après qu’ils furent demeurés prisonniers, pendant plus de deux mois, au fonds de la mine, à la suite de l’éboulement d’une galerie.

Je me suis senti particulièrement concerné par ce fait divers, puisque je suis né et ai grandi au cœur des cités minières de Wallonie (Belgique).

UN PEU D’HISTOIRE :

Au 19ème siècle, la Belgique  fut un temps la 2ème puissance économique mondiale, de part ses richesses coloniales, mais également grâce à sa sidérurgie, ses mines de charbons, son industrie verrière, ferroviaire et d’armement.

Toute l’industrie, à peu de chose près, était située en Wallonie (sud de la Belgique) et les Flamands, paysans pauvres pour la plupart, venaient y travailler par trains entiers, pour des salaires de misère.
A la fin de la deuxième guerre mondiale et d’une nouvelle montée en puissance de l’industrie de reconstruction, la main d’œuvre nationale ne suffisait plus.
Un accord avec l’Italie vaincue, abouti à « l’importation » de quelque 50.000 travailleurs Italiens, auxquels il faut ajouter des milliers de réfugiés Polonais.
Au début et dans les pires des cas, ils étaient logés par 6 ou 7 dans des baraquements insalubres, avec une toilette par 60 à 70 personnes, et travaillant dans les mines de charbons.
Bien avant cela, certains compagnies minières avaient créé de véritables villages autarciques, offrant aux mineurs, logements, hôpitaux, hospices, salle de fêtes et chauffage gratuits : Une sorte de nouveau capitalisme avant l’heure où, sous prétexte d’avantages en nature, les mineurs se trouvaient prisonniers d’un lieu de vie isolé, avantageux pour l’époque certes, mais dont ils pouvaient difficilement sortir, en raison de leurs salaires quasi inexistants.
C’est le cas des « carrés du Bois du Luc »
En 1980, invité par l’ancien directeur, j’eu le privilège de visiter l’ancien charbonnage, fermé, avant qu’il soit réaménagé et ouvert au public :
Je me souviens de la grande émotion ressentie, à découvrir un charbonnage…, figé, dans l’état où il était resté à sa fermeture, quelque vingt ans plus tôt :
l’ardoise murale dans le corridor d’accès aux mineurs, avec leur dernières consignes…, le bureau du Directeur Général, surélevé tel un trône, dominant le modeste siège sans accoudoirs, où comparaissaient ses subalternes qu’il jugeait devoir remettre dans le droit chemin….
Pourquoi appeler cet endroit « les carrés de Bois du Luc ?
Parce que que les petites maisons destinées aux mineurs étaient disposées en carré…
Parce que Bois du Luc est un village créé de toute pièce par la société des charbonnages du même nom et située avant sa construction à l’orée d’un bois.
Le site dans sa globalité a été revendu à la commune (mairie) de La Louvière qui en a assuré à très gros frais, la restauration.
Les petites maisons quelque peu rénovées, continuent à être louées aux quelques  anciens mineurs ayant survécu à la silicose, mais surtout à leurs enfants…

LES GUEULES NOIRES, LES SEIGNEURS DE LA HOUILLE…
La hiérarchie des charbonnages allait du Gérant, des Ingénieurs, aux Chefs Porions, Porions et mineurs, de fonds, ou de surface.
Les premiers détenaient le savoir théorique, et se voyaient attribués par la compagnie minière et pour leur résidence, de véritables petit châteaux.

Ils préféraient demeurer dans leurs bureaux, que de descendre au fonds, et surtout, ramper dans les tailles et les bouveaux ..

Les seconds, à défaut de formation théorique, avaient l’expérience, et un caractère trempé : sortes de héros de l’époque, capables de garder leur sang froid dans situations critiques (éboulements et coups de « grisou » .

En ces années là, il y eu plusieurs drames, dont le plus important fût la catastrophe du « Bois du Cazier » à Marcinelle en 1956 : 262 morts !

Les « gueules noires » vivaient dans de très modestes et petites maisons, sans aucun confort.

La plupart du temps, ils étaient considérés, par leurs épouses comme de véritables « seigneurs »  qui rapportaient, au risque de leur vie, leur maigre salaire, permettant de nourrir leur famille.

Malgré leurs yeux maquillés de charbon, leurs cicatrices, et leurs poumons infectés par la silicose, ils avaient, comme gravé en eux aussi, une noblesse particulière, dans le sens où rien ne pouvait avoir d’importance par rapport aux risques qu’ils prenaient tous les jours, en descendant dans la « fosse ».

J’en ai connus, des gueules noires, et je ressentais pour eux un immense respect, pour de pas parler d’affection.

Je voudrais rendre un hommage particulier à la famille Magnesio, qui habitait juste en face de ma maison natale : il y avait :

Emilio, la gueule noire, et chef de famille.

Gina, son épouse, le cœur sur la main, et qui m’invitait à partager la « polenta »

Bruna, la fille aînée, qui, plus tard, entrera sous les ordres…

Mary, la cadette, belle comme une image, et rebelle : mon premier coup de foudre…

Il y a 50 ans de cela…

Vous avez des témoignages ?

Je suis avide de vous lire : laissez moi un commentaire, j’y répondrai !

 

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J
Bonjour . <br /> J'ai fait un bond car j'ai la toile ( carton entoilé ) du mineur sur votre blog , signée FLAHAUT . A .<br /> Je serais heureux d'avoir des renseignement sur elle , si vous en avez .<br /> Je vous en remercie par avance . Mr JABLONKA .
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M
je suis tres emue d avoir lu votre respect pour les mineurs. j en ai meme les larmes aux yeux car mon papa été un mineur de fond.. décédé de sa maladie en decembre 2009.. il meritait tout le<br /> respect pour son grand courage.. il me manque mon papa.. merci
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F
<br /> je ne connais pas trop l'univers minier si ce n'est le paysage des corons et la cité miniere ou mon pere a grandi a la louviere, il me l'a montre il y'a quelques annees, mon grand pere, un immigre<br /> ukrainien ancien prisonnier des camps allemands, a travaillé comme mineur de fond en belgique, et il est mort de la silicose a 75 ans !! ce qui est pas si mal quand même, c'etait une force de la<br /> nature et il aurait pas eu cette saloperie il serait encore vivant, j'avais 9 ans quand il est mort et il y'avait 1000 km qui me separait de lui, j'habitais en france et lui etait reste en belgique<br /> avec ma grand mere, je l'ai donc tres peu vu et j'ai jamais discuté de cette epoque, chose que j'aurais bien aimé faire s'il etait toujours vivant, mon pere m'a raconté qu'il avait ete enseveli une<br /> fois, mon pere me disait aussi qu'etre le fils d'une gueule noire etait mal vu. pour finir je tire mon chapeau a ces hommes d'un autre age, beaucoup plus courageux et travailleurs que je le suis,<br /> pour moi les mineurs c'etait comme les marins de la terre.<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Ton commentaire me touche, Fabien. Moi aussi, j'ai grandi à La Louvière, et j'ai toujours ressenti une fascination pour ces "gueules noires" au caractère aussi rude que leur métier, maniant,<br /> certes, plus facilement la marteau piqueur que les mots: il suffisait souvent d'aller vers eux pour que leur coeur s'ouvre tout grand et t'invite à leur table, pour manger une polenta (cfr les<br /> Italiens) Si tu étais de passage à La Louvière, ne manques pas de visiter le musée de la mine à Bois du Luc... Merci encore à toi. <br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> bonjour,<br /> <br /> Avant tout bravo pour se tres belle article, je suis tres content de voir des site parler de se metier!<br /> <br /> car je suis moi meme mineur de font, dans une mine d'ardoise a trélaze, la dernier mine a puits de france je travaille a -421 metre sous terre !<br /> <br /> je suis tres heureux de fair se metier pour rien au monde je l'echangerais !<br /> <br /> <br /> merci beaucoup a vous de faire vivre se metier<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> Bonjour Fabrice : Tout d'abord, toutes mes excuses pour ton témoignage datant du 13 janvier dernier, et qui a certainement pour moi, la plus haute valeur, le seul d'un mineur de fonds, qui<br /> donc sait mieux que quiconque de quoi il parle. Je constate aussi que toi, comme les mineurs de charbon, de changerait pas de métier pour rien au monde. Bravo à toi, Fabrice et merci<br />  <br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Le lien avec ton article est un poème retrouvé la semaine par un hasard bienheureux, paru en 1988 dans un périodique de culture et de mémoire régionales " El Mouchon d'Aunia "( revue orchestrée par<br /> les "Scrîveûs du Cente" de La Louvière,éditée par l'Ecomusée Régional du Centre).Voici ce poème écrit par mon père, Georges LEJUSTE.<br /> <br /> MINEURS DE FOND<br /> <br /> Ceux que l'on a nommés "les damnés de la terre"<br /> Ceux que l'on a forcés d'y trouver leur destin<br /> Ceux qui sont descendus dans la même galère<br /> Ceux-là sont les héros d'un labeur inhumain<br /> <br /> Hommage au mineur<br /> <br /> Raconter votre vie est quasi impossible<br /> chaque jour un exploit chaque jour incertain<br /> extrayant le charbon d'endroits inaccessibles<br /> vous n'aviez droit, Mineur,qu'aux regards de dédain<br /> <br /> Pourtant quand le grisou frappait en pleine "taille"<br /> qu'un autre Courageux gisait sous l'éboulis<br /> c'était votre combat, c'était votre bataille<br /> jamais aucun de vous n'a déserté, failli<br /> <br /> Tel était notre frère atteint de silicose<br /> crachant son aversion d'un souffle inachevé<br /> pour cette obligation, ce besoin qui impose<br /> l'horrible charbonnage ou la mendicité<br /> <br /> Quand l'atroce accident transformait tout en drame<br /> que le "coup de poussier" était assassinat<br /> c'était le Compagnon qui informait, en larmes<br /> l'épouse du "damné" qu'il ne reviendrait pas<br /> <br /> Chacun se recueillait alors dans le silence<br /> pensant aux lendemains où peut-être à son tour<br /> il sera la victime, en son âme et conscience<br /> méprisant le danger il descendra toujours<br /> <br /> Honneur à l'ouvrier, à l'épouse,aux "prends garde"<br /> lui, partait au travail, elle, priait...Marie<br /> ils étaient tous les deux à défier la Camarde<br /> pour le pain quotidien et le droit à la vie<br /> <br /> N.B.: la Camarde, en Littérature = la Mort<br /> <br /> <br />
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V
<br /> <br /> J'ai lu avec grand intérêt, le poème écrit par ton père: tout à fait remarquable et émouvant.<br /> Je me souviens des soirs du 4 décembre où les familles attendaient la remontée de la cage.<br /> Les "gueules noires", enlevant leur casque, s'agenouillant devant la statue de Ste Barbe, en attendant la bénédiction du curé du village....mais les gueules noires tout comme les militants<br /> communistes pouvaient aussi, à leur manière être des sarcastiques au grand coeur ;o)<br /> Merci pour tes témoignages fort riches.<br /> <br /> <br /> <br />