La commission des Affaires sociales du Sénat vient d’adopter une série d'amendements qui vident de
sa substance, une proposition de loi visant à légaliser l'euthanasie. Ces amendements suppriment notamment l'article premier du texte, qui autorisait les patients atteints d'une maladie incurable
à recourir à "une assistance médicalisée permettant, par un acte délibéré, une mort rapide et dans douleur".
Or l’Euthanasie est légalisée en Belgique, en Hollande et au Luxembourg.
Ces pays sont t’ils plus inconséquents pour autant ?
Rien n’est moins sûr. Pourquoi dès lors la France se montre t’elle davantage frileuse que ses pays voisins ?
Raisons religieuses d’imprégnation catholique, culturelles, politiques, ou une sorte de macédoine entre ces facteurs et d’autres, moins avouables, telles une certaine lâcheté ou hypocrisie, vis-à-vis d’un réel problème de société ?
Or le suicide n’est pas interdit, et quand bien même il le serait, «le suicidé» ne risquerait pas d’être poursuivi pour meurtre… contre lui-même !
Le « suicide assisté », nom pudique de l’euthanasie, demeure interdit en France.
Le médecin qui y procéderait, risquerait la cour d’assises, dénoncé, non pas par le patient bien sûr, mais bien par un collègue, voir même par la famille du défunt.
Il n’est pas inutile de faire référence à la théorie de « l’acte à double effet » que l’on doit à St Thomas d’Aquin, philosophe et théologien du XIIIème siècle, dont les principes, qui
furent appelés « Thomistes » à savoir :
- L’action en elle-même doit être bonne ou moralement neutre…
- Le bon effet doit résulter de l’acte et non du mauvais effet…
- Le mauvais effet ne doit pas être directement voulu, mais doit être prévu et toléré…
- Le bon effet doit être plus fort que le mauvais effet, ou bien les deux doivent être égaux…
Ces 4 principes, à l’interprétation duelle, furent repris par les Jésuites, par le Vatican et par Opus Dei.
Leurs défenseurs, en facultés universitaires catholiques, avaient pour habitude de prendre l’exemple suivant :
Imaginons une femme en fin de grossesse, avec un fœtus en partie extra utérin, tel qu’en cas de non intervention, la mère et l’enfant étaient tous deux condamnés.
Le choix Cornélien consistait, soit à sacrifier le bébé pour sauver la mère ou sacrifier la mère pour sauver le bébé !
L’alternative, ainsi formulée était inacceptable pour les « Thomistes », non pas sur le fonds du problème, mais bien sur sa formulation.
Qu’on le veuille ou non, le résultat était le même, quel que soit le choix, mais vu sous l’angle
Thomiste, dédouanait le praticien de condamnations civiles et religieuses.
Il est aisé de trouver des parallèles par rapport à l’euthanasie
Lorsqu’un patient, atteint d’un cancer en phase terminale, souffre atrocement, il existe, certes, les soins palliatifs, mais qui ne sont pas la panacée.
En effet, les antalgiques puissants, tels la morphine, administrée à fortes doses peuvent entraîner la mort.
Que privilégier : la vie, ou le refus de la souffrance ?
Nous nous trouvons exactement dans un autre type d’ «acte à double effet »,
et en France en tout cas, la volonté du patient n’est pas considérée comme légitime, car n’étant pas à même de juger de son bien fondé.
J’ai vécu personnellement une expérience très douloureuse, en effet :
Une cousine, prénommée Chantal, dont j’étais très proche, âgée à l’époque de 38 ans, était atteinte d’un cancer dans la mâchoire. Elle avait été opérée 11 fois par un chirurgien réputé d’Anvers, allant jusqu’à reconstituer sa mâchoire avec une greffe prélevée sur son bassin, mais à chaque fois, le cancer reprenait le dessus.
C’était bien avant la légalisation de l’Euthanasie.
Plus son état se dégradait, plus elle se confiait à moi, sans pudeur, avec ses doutes, ses peurs, ses douleurs.
Avec l’humour qui lui était coutumier depuis toujours, elle me disait parfois :
« J’ai deux hommes dans ma vie, le Professeur X.., et toi »
Je lui apportais tout mon amour, mon écoute, sans
cette réassurance excessive qui aurait été synonyme de mensonge. Son praticien lui fournissait des prescriptions multiples de morphine buvable, en quantité telle qu'elle n'en manque jamais.
Il lui disait : tu en prends quand tu as mal, jusqu’à ce que tes douleurs disparaissent. Il arriva que, lors de rémissions, elle retrouva toute sa superbe, plaisantant, se maquillant, malgré
les stigmates apparaissant sur son visage, et lui rappelant le mal…, toujours là.
Elle m’avait demandé une promesse : celle d’être là, lui serrer la main, lors de ses derniers instants : je lui ai promis.
Je ne pus tenir ma promesse qu’à moitié : elle était décédée deux heures plus tôt, et lui
pris la main…, déjà toute froide….
Bon : j’évacue mon émotion rétrospective..., et reprends mes esprits :
En Belgique, l’euthanasie est légale mais encadrée.
Il faut, pour qu’elle soit pratiquée, plusieurs conditions, dont :
- un consensus entre médecins, statuant sur l’état irréversible du patient en fin de vie.
- que le patient réitère à plusieurs reprises espacées, sa volonté de voir ses souffrances abrégées.
- que le patient, le dernier jour, soit entouré de ses proches, dans un contexte le plus apaisant que possible.
Conclusions
Il est plus que temps que les politiques Français regardent autre chose que leur nombril, se réfugiant dans la non décision.